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La culture depuis Saturne
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La passe-miroir / Christelle Dabos

La passe-miroir / Christelle Dabos

La passe-miroir / Christelle Dabos

Une fois sortie du miroir, la silhouette ne se résumait plus qu'à un vieux manteau usé, une paire de lunettes grises, une longue écharpe tricolore. Et sous ces épaisseurs, il y avait Ophélie.

Livre I, p.12

Il s'agit d'un premier roman, un roman jeunesse lauréat d'un concours organisé par Gallimard Jeunesse, RTL et Télérama en 2012.

La terre a éclaté, mise en morceaux mystérieusement. Les morceaux continuent de flotter et forment un monde en équilibre fragile. Les plus gros morceaux sont appelés des arches, chaque arche est habitée par un esprit de famille, un immortel qui possède une mémoire morcelée et un livre illisible ; chaque immortel a son engeance, sa famille mortelle et consanguine qui vit dans son petit monde, loin des autres arches. Et chaque immortel possède des pouvoirs qui lui sont propres, pouvoirs qu'il transmet à ses enfants.

On ne sait pas pourquoi le monde est ainsi fait.

Le livre 1 de la saga littéraire « La passe-miroir », qui compte aujourd'hui deux livres « Les fiancés de l'hiver » puis « Les disparus du Clairdelune », commence paisiblement sur l'arche d'Anima, une arche verdoyante et tranquille. Artémis en est l'immortelle, recluse au sommet de son observatoire à scruter les étoiles. Ses enfants ont le pouvoir d'animer les objets, de les réparer, plus rarement de les lire, c'est-à-dire de voir la vie liée à leurs manipulations, et encore plus rarement, ils peuvent passer d'un miroir à un autre si celui-ci est connu et proche.

L'histoire s'intéresse à Ophélie, une jeune femme gérante d'un musée, liseuse de talent et passe-miroir. Ophélie, maladroite, trop discrète, sans cesse enrhumée est cachée derrière une vieille écharpe agitée, des lunettes de myope et une longue tignasse.

La tradition, sur Anima, est de se marier lorsqu'on a l'âge de le faire mais Ophélie éconduit chaque proposition ou plutôt chaque arrangement, elle ne veut pas penser à ces choses-là, elle veut rester seule avec son musée d'objets qui datent d'avant la grande déchirure, celle qui a mit le monde en morceaux.

Mais là, l'arrangement est de celui qu'on ne peut refuser, car le fiancé est d'une autre arche, il s'agit d'un mariage politique entre Anima et le Pôle, d'un rapprochement mystérieux entre l'esprit Artémis et l'esprit Farouk, d'un mariage loin d'être désiré entre Ophélie et Thorn, qu'elle ne connaît pas encore.

Secoué par les soubresauts de la voiture, elle l'aurait cru endormi, n'eussent été le pli contrarié qui lui creusait le front et le pianotage nerveux de ses doigts sur sa valise. Elle se détourna lorsque les paupières de Thorn laissèrent soudain filtrer une étincelle grise.

Livre I, p.66

Christelle Dabos nous plonge avec délice et style accompli dans ce monde fracassé. Nous partons à la découverte du Pôle : arche glaciale couverte d'une épaisse forêt de conifères, peuplée de bêtes sauvages immenses au-dessus desquelles flotte une citadelle crasseuse et majestueuse. Farouk y règne nonchalamment, plus occupé à essayer de se souvenir d'un passé nébuleux qu'à se soucier de ses enfants qui ont construit leur société sur ce manque d'attention. Intrigues de cour, manipulations, meurtres de couloir, tout est bon pour s'attirer les grâces éphémères de Farouk. Une arche d'autant plus dangereuse que les nombreux pouvoirs de l'esprit de famille sont transmis aléatoirement à ses enfants qui s'organisent alors en autant de clans que de pouvoirs.

Thorn fait parti du clan des Dragons, il peut blesser d'une pensée, il est également très grand et pour le moins austère, froid et associable. Ophélie ne devra compter que sur elle pour survivre à ce qui l'attend.

Ophélie sorti un mouchoir de sa manche et souffla le sang qui lui restait dans le nez. Elle ôta ensuite les épingles de ses cheveux pour recouvrir d'un épais rideau ses joues meurtries. Elle avait voulu voir le monde qui l'attendait ? Elle était servie.

Livre I, p.201

Les deux premiers livres sont une réussite indéniable en proposant un univers riche aux délicieuses intrigues de cour. Les couvertures sont également magnifiquement illustrées par Laurent Gapaillard. On ne peut qu'attendre avec impatience la suite de cette formidable saga qu'on rêverait voir un jour au cinéma.

 

 

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