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La culture depuis Saturne
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Le mariage de Figaro / Rémy Barché

Le mariage de Figaro / Rémy Barché

Le mariage de Figaro / Rémy Barché

"La folle journée, ou le mariage de Figaro" de Beaumarchais, suite de son "Barbier de Séville", est, de longue date, utilisé comme manifeste révolutionnaire, germe d'une contestation qui ira jusqu'à couper des têtes. La pièce a été écrite en 1778, longtemps censurée par le roi et enfin jouée au théâtre de l'Odéon en 1784.

La cause de cette censure royale tient dans l'argument même : un comte a aboli le droit de cuissage dans son domaine mais prévoit néanmoins d'en user sur sa servante Suzanne, fiancée de Figaro. Ce dernier va contester l'autorité de son maitre, ce qui donnera lieu à toutes péripéties, intrigues, quiproquos et le plus long monologue du théâtre français d'avant Révolution.

Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus.

Figaro - Acte V, scène 3

Le jeune metteur en scène Rémy Barché choisit de ne pas trop prêter l'oreille au pamphlet révolutionnaire mais essaye de restituer au mieux toute la complexité de cette pièce et l'ambivalence d'une folle journée où on se joue de l'autorité plus qu'on ne l'attaque. Ridiculiser le maitre est l'occasion de faire la fête et non la révolution. Cette situation évoque à Rémy Barché notre société :

La gaieté et la volupté avec lesquelles (Beaumarchais) raconte la vie de château me semblent tout aussi intéressantes que la colère avec laquelle il dénonce ses dysfonctionnements et ses hypocrisies. Cette ambivalence me semble très actuelle : nous ne sommes pas prêts à nous défaire des attributs et des pouvoirs que nous dénonçons pourtant avec lucidité.

Rémy Barché, note d'intention.

Pour mettre en scène cette ambivalence festive, il met en scène l'intégralité du texte, soit près de 4h. Monter l'intégralité d'un texte devrait aller de soi mais les longues distributions et les longues durées entrent de plus en plus en contradiction avec une culture qui s'économise : l'intégrale d'un texte de Shakespeare avec 10 ou 15 comédiens, cela coûte cher et cette économie contraint les metteurs en scènes pour le meilleur ou pour le pire.

Rémy Barché réussit à monter l'intégralité du texte donc et inonde son plateau de ballons de toutes les couleurs : c'est la fête, on chante et on danse, musique pop et rock. Il ne lésine pas sur les effets pour rythmer, amuser et colorer sa folle journée, il en abuse même jusqu'à mettre en péril la lisibilité et la compréhension de certaines scènes. Car si certains effets font mouche et servent le jeu, la plupart ne font que décorer inutilement et surcharge une mise en scène réussie, ce qui est d'autant plus dommage.

Exemple : l'usage de l'aria de Chérubin "Voi che Sapete" de l'opéra de Mozart "Le Nozze di Figaro", adaptation de la pièce de Beaumarchais par Lorenzo da Ponte. Cette aria est l'occasion pour Chérubin de partager ses jeunes désirs, c'est également le morceau le plus célèbre de cet opéra, mais le voilà utilisé par deux fois comme simple fond sonore, joli décorum de ce qui se joue alors.

Également : la diffusion de flashs info radiophoniques durant les changements de décors, flashs choisis où l'on parle de manifestation contre le CPE, d'attentats...

Ce sont là des effets bien maladroits qui alourdissent le jeu et le propos.

Ce mariage n'en reste pas moins diablement efficace, emmené par ses comédiens de talent.
Le public, vendredi 30 septembre au CDN de Caen, était debout à applaudir et à se lancer les ballons d'un joyeux spectacle un brin maladroit.