Avignon 2015
Qu’il est difficile d’écrire en ce mois de juillet 2015 à Avignon face à Olivier Py, moins directeur qu’opérateur artistique d’un relâchement d’épaules. Cela commence à la lecture de la programmation, tiens, l’artiste associé est le même que l’an passé. Et à côté ? A côté, rien ne bouge véritablement puisque « je suis l’autre » (titre de l’édito d’Olivier), échec d’une volonté arriviste d’assoir l’altruisme au sein du festival, plutôt un aveu, celui qu’Olivier se pense à chaque instant, en chaque lieu, en chaque personne et personnage, « je suis l’autre ». Alors oui, cela bouge finalement puisque cela se repli vers sa petite personne, comme une armée en déconfiture qui bouge vers son état-major. Et parce que « je suis l’autre », je suis l’artiste du sommet, de l’origine, je suis l’autre Vilar. Que tous entendent qu’entre moi, Olivier, et l’autre Vilar, il n’y a que le néant de l’administration et du gratte-papier. Je suis là, l’artiste est revenu, je le signifie en parlant Vilar à l’excès, ma nef d’images porte Vilar presque seul, l’exposition de la maison Vilar est une trajectoire de l’origine à moi, je veux que l’on me confonde avec ce corps originel, je suis lui, je suis le père. Olivier est Hamlet qui aurait dit oui à son père, cette chose qui est revenu, oui à la vengeance, oui au sang, oui à l’héritage d’un obscurantisme moyenâgeux. Là où Hamlet véritable recule face au père salaud et se met à PENSER, il se creuse la tête et oppose à ce père/oncle la poésie de la folie, c’est-à-dire le langage de l’autre, la danse de l’autre. Dommage pour toi Olivier car « aujourd’hui c’est mon anniversaire », Tadeusz Kantor a eu 100 ans, cela tombe bien, voilà le titre de son dernier spectacle, « aujourd’hui c’est mon anniversaire », Olivier ne peut pas l’ignorer, il est obligé de faire un cadeau, il concède l’exposition « les origines Wielopole Wielopole les origines » mais ce cadeau est une mascarade, des photographies auxquelles on aurait volé toutes les légendes, à croire qu’Olivier ne veut pas se retrouver dans cet autre Kantor, cet autre qui pense à tel point qu’il est l’origine de tout le théâtre qui pense aujourd’hui, oui, aujourd’hui c’est l’anniversaire de Claude Régy, c’est l’anniversaire de Roméo Castellucci, celui d’Angelica Liddell, de Pippo Delbono, de Gisèle Vienne… On va passer une bonne soirée sans toi Olivier qui ne fête rien mais qui évacue, tu tires la chasse, voilà le Roi Lear, 2h30 d’évacuations, serais-tu malade Olivier ? Toi qui te torches avec le silence de Cordélia, tu réduis au silence celle qui, lorsque Lear is in Town (Ludovic Lagarde, Avignon 2013), se rase la tête pour se confondre en pauvre Tom et rester avec son père sur la lande de l’espace sous l’ombre du monolithe. Mais tu vas plus loin, en faisant de Cordélia une danseuse étoile absente, poupée d’un autre âge, car tu avoues qu’il t’est impossible de penser la danse comme langage. Tu aurais pu te contenter de faire taire Cordélia, non, il a fallu que tu en fasses une danseuse pour ignorer son langage à elle jusqu’à placarder son silence au mur. Olivier, tu es une machine de guerre, tu évacue tout, tu casses, tu détruits jusqu’à l’autre. Tu piques ta crise dans les chiottes de la cour d’honneur. Mais fais gaffe, Olivier, fait gaffe parce qu’aujourd’hui devine quoi ? Aujourd’hui, c’est mon anniversaire.
Avignon 2015- Tadeusz Kantor, dans les bas-fonds du Festival.
Depuis dix ans, les expositions sont une opportunité pour la direction du Festival d'Avignon de proposer un espace durable dans le temps, où les spectateurs s'autorisent des liens avec la programmation théâtrale et chorégraphique.