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La culture depuis Saturne
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Forbidden di sporgersi / Pierre Meunier et Marguerite Bordat

Forbidden di sporgersi / Pierre Meunier et Marguerite Bordat

Forbidden di sporgersi / Pierre Meunier et Marguerite Bordat

Avignon 2015

« Forbidden di sporgersi » d’après Algorithme éponyme de Babouillec, mis en scène par Pierre Meunier et Marguerite Bordat, tente d’approcher théâtralement la pensée d’Hélène Nicolas, de son pseudonyme Babouillec, à côté duquel elle ajoute « autiste sans parole ».

Comment approcher théâtralement une pensée dite singulière et difficile, empreinte de liberté, une fugue, un hors limite ? Sur le papier, le projet colle aux basques de Babouillec, une individualité qui s’exprime à sa façon ; sur la scène, cette individualité est difficilement repérable, et si le programme nous a échappé, cette individualité n’apparait pas. Il y a la langue de Babouillec mais c’est une langue qui ne s’épanche pas dans la biographie, qui creuse plutôt ailleurs, dans une poésie ardue qui peut laisser sur le carreau.

Sur la scène, les comédiens dressent des trajectoires pour les arrêter, ils tentent des langages pour les (voir se) briser : agencement de tôles en plastique qui s’échouent sans un son, dysfonction du lieu théâtrale même qui disjoncte, installation d’un carillon que l’on sature de son électrique… La dysfonction du lieu se fait à la première prise de parole : grésillement dans le micro, les plombs sautent, on fait venir le corps électrique du théâtre, un amas de câbles dans lequel l’un des comédiens disparait, avalé par la machine, et finalement la lumière revient, on range et on enchaîne.

Sur la scène, une répétition de dysfonctionnement.

Et finalement, le mot « rien » débarque sur scène, pour être ensuite rejoint par d’autres lettres et former une installation qui finit par s’écrouler au sol ; le mot RIEN, celui-là même qui trônait tout en néon dans la cour du palais des papes lors du roi Lear d’Olivier Py. RIEN, comme un aveu qui se répète, celui de l’échec que l’on peut ressentir devant l’autre. Cordélia est réduite au silence, elle ne parle pas, elle ne danse pas, rien.

Forbidden di sporgersi se poursuit, les comédiens finissent par remettre en marche toutes leurs machines, par accumuler, pour que la scène s’autonomise et qu’ils puissent prendre du recul, pour qu’ils puissent nous rejoindre un peu et observer un petit monde qui s’affaire à sa façon.

Cette autonomie dure bien peu, c’est terminé.

Cette autonomie d’imaginaire industriel se laisse approcher un bref instant. Cette brièveté a pour effet de laisser le spectacle traiter d’un dysfonctionnement plutôt que d’un langage autre et particulier et c’est une approche qui me pose question.

Il y a comme une impossibilité à expérimenter cette pensée « libre, fugueuse, hors limite ». Je suis devant un échec, un échec construit dans son approche et ses répétitions. Ces comédiens qui s’affairent à bidouiller avec curiosité vont jusqu’à amener un imaginaire de scientifiques qui restent interdits devant ce qu’ils trouvent. C’est une distance supplémentaire, je suis loin de ce qui se passe comme j’ai cette impression qu’ils sont loin de leur point de départ qui se trouve être une individualité.

Suite à cette brève autonomie, le noir se fait puis se défait, les applaudissements commencent, Jean-François Pauvros (comédien musicien) va tranquillement éteindre son matériel alors que les autres discutent un peu, finalement les saluts et finalement la venue sur la scène de Babouillec, l’absente de ce spectacle.